Les combats de juin 1940 dans le nord-est du département de la Vienne.
Lorsque la France déclare la guerre à l’Allemagne en septembre 1939, s’il s’était trouvé quelqu’un pour dire que des combats se dérouleraient dans la Vienne, à quelques 700 km des frontières, nombre de personnes se seraient posé des questions sur l’équilibre mental de cet oiseau de mauvais augure… et pourtant c’est ce qu’il advint!
Contexte:
L’attaque et l’avancée fulgurante des Allemands à partir du 10 mai 1940 expliquent cette situation. Le 14 mai, les Allemands franchissent la Meuse. Le 23 mai, les Allemands atteignent Dunkerque encerclant Belges, Britanniques et Français. Le 14 juin, les Allemands entrent dans Paris. Le 20 juin, Tours est déclarée « ville ouverte », la défense de la Loire est abandonnée, les forces se replient vers le sud.
A partir de ce moment se joue le dernier acte de la bataille de 1940, 41 jours après la percée des Ardennes. L’existence de deux rivières confluentes, la Vienne et la Creuse, explique les combats des 21 et 22 juin 1940 dans la région.
L’ordre d’opérations est finalement le suivant : « Occuper la Vienne de Dangé-St-Romain à son confluent avec la Creuse et la Creuse du confluent à Descartes ». Le commandement, en donnant l’ordre d’opérations, insiste pour que les troupes se battent jusqu’au bout « afin de rendre moins difficiles les négociations pour l’armistice ». C’est, en effet, dans la soirée du 20 juin que la délégation française venant de Bordeaux se dirige en direction de Paris et Rethondes (dans le wagon où avait été signé l’armistice de 14-18) pour négocier avec les Allemands.
Les opérations se déroulent sur le territoire de 6 communes : Les Ormes, Port-de-Piles, Buxeuil, Dangé-St-Romain, St-Rémy-sur-Creuse dans le département de la Vienne, La Haye-Descartes, dans l’Indre-et-Loire, sur la rive droite de la Creuse.
Environ 2500 à 3000 soldats, de différentes unités, sous le commandement de la 2ème Division Légère Mécanique (2ème D.L.M.) du général Bougrain sont rassemblés dans ce triangle de 15 km de côté. Ils doivent faire face à l’ennemi, encore une fois, après 41 jours d’une retraite infernale, tout en sachant que la nuit précédente des émissaires du gouvernement sont partis négocier un armistice.
En attendant, ils se livrent aux occupations du soldat en campagne : casser la croûte, faire un brin de toilette, vérifier que tous les matériels sont en état de servir et trouver un coin pour dormir dans une maison, une grange ou sous un arbre.
La fatigue va peut-être l’emporter sur leurs réflexions mais il serait étonnant qu’ils n’éprouvent pas quelque amertume d’en être arrivés là et quelque inquiétude quant à l’avenir, même si dans l’immédiat la perspective de rentrer chez eux leur met un peu de baume au cœur.
Cette carte est issue de la plaquette « Juin 1940, derniers combats dans le secteur situé entre la rivière la Creuse et la rivière la Vienne« et a été éditée par le service départemental de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre de la Vienne en partenariat avec VRID (Vienne Résistance Internement Déportation).
Conclusion :
Le dimanche 23 juin, la bataille est terminée. Les troupes françaises ont quitté leurs positions. Les Allemands commencent à descendre des crêtes.
Poitiers, ce jour, est déclarée ville ouverte et est occupée par la Vème Panzerdivision.
L’armistice a été signé par le général Huntziger, sur ordre du gouvernement français, le 22 juin dans l’après-midi.
La campagne de France de mai et juin 1940 a suscité de nombreux commentaires. On a beaucoup dit, beaucoup écrit, porté des jugements partiels, ne prenant pas en compte toutes les causes de cette cuisante défaite. Les combattants, en particulier, ont été jugés avec beaucoup de sévérité, à la vue de scènes de débandade et de repli accéléré.
La présence constante de l’aviation allemande qui bombarde et mitraille contraste avec l’absence totale de l’aviation française pour soutenir les rares contre-attaques.
Les combats de juin 1940 sur la Creuse et la Vienne, menés par une poignée de combattants, le jour de la signature de l’armistice, montrent combien ces jugements ne sont pas toujours justifiés.
L’abnégation et le courage des soldats ont permis de freiner l’avancée allemande, de fixer la ligne de front et d’évacuer l’or de la Banque de France de Poitiers sur Bordeaux.
La Vienne est alors, comme douze autres départements français, scindée en deux zones : l’une non occupée à l’est et la seconde à l’ouest, où la Wehrmacht va exercer tous les droits de la puissance occupante. Poitiers et Châtellerault, principales villes du département se retrouvent en zone occupée.
Témoignages:
Henri Robin a 16 ans en 1940, il habite Poizay. Il voit arriver les soldats du 110ème Régiment d’Artillerie Lourde Colonial Hippomobile (110ème R.A.L.C.H.) dans sa commune le 21 juin 1940. Il raconte: « Comme mon père avait fait la guerre 14-18, il nous a dit: « Il va surement se passer quelque chose, alors on a fait des abris pour être plus en sécurité… Les soldats se sont logés un peu partout dans les granges, ils nous ont demandé de l’eau mais très peu de nourriture, ils avaient ce qu’il fallait ».
Une autre habitante de Poizay souhaitant garder l’anonymat raconte: « Le vendredi soir (le 21 juin 1940), les soldats se sont installés au village, j’ai même pu faire quelques photos…Le samedi matin de bonne heure, les soldats s’activaient autour des canons et vers 9h, les tirs ont commencé, faisant beaucoup de bruit. Plus tard, les Allemands ont riposté et, vers 16h, leurs tirs sont devenus très violents. On se planquait comme on pouvait. Il y aeu 2 tués et plusieurs blessés parmi les soldats…Lorsque le repli fut donné, je guidai la colonne jusqu’à la Chapelle de Saint-Sulpice ».
Pierre Lamoureux habitait le Petit Dumeray. Il se souvient des évènements du 22 juin 1940: « J’étais assis sur le bord du fossé, le 1er obus est passé au dessus de la ferme vers 10h15… 15 à 20 minutes après, il y avait des coups de canon à gauche, à droite, la grande bagarre a commencé…Il fallait penser à se mettre à l’abri… Nous étions 25 ou 30 dans la cave… Vers 4 h du matin, un soldat appelait dans la cour, il était blessé et demandait une infirmerie, nous l’avons dirigé vers le château de La Fontaine où se trouvait un poste de la Croix-Rouge ».
Quelques semaines plus tard, à la demande de l’inspecteur primaire de Châtellerault, les filles de l’école publique des Ormes rédigent un journal des évènements, l’une d’elles écrit: « Le vendredi au tantôt (21 juin 1940), un ami de mes parents nous a proposé de nous réfugier chez lui, au Petit Dumery, nous avons accepté. Le samedi 22 juin, dès le matin, les explosions des obus se font entendre dans le lointain… Nous sommes descendus dans la cave, nous entendions les obus siffler et tomber près de nous! «
Enfin, voici le témoignage du Lieutenant Berthelot, chargé du ravitaillement en munitions du 110ème R.A.L.C.H., en 1940, écrivant en 1945 au Capitaine Bessec, qui commandait à Poizay une batterie de 105 mm: « Je me souviens vous avoir apporté des munitions, peu après ce bombardement (les tirs allemands de contre batterie du 22 juin 1940). Vous étiez au milieu de votre batterie qui tirait comme à l’exercice…et nous avions alors la certitude de la défaite. Qu’auriez-vous fait avec la certitude de la victoire? A la réflexion, rien de plus beau en tous les cas. Vous vous battiez pour l’honneur de la France ».