Denis Dérout, résistant. Un adolescent dans la tourmente
Denis Dérout, qui réside depuis longtemps à Poitiers, a quatorze ans lorsque, le 18 juin 1940, il se trouve chez une cousine qui écoute régulièrement la BBC pour parfaire son anglais. Il est l’un des rares à avoir entendu « l’appel de De Gaulle ». Il se promet alors de rejoindre ses rangs et demande à sa cousine qui est ce général dont elle ignorait, jusqu’à ce moment, l’existence.
Lorsque les Allemands arrivent à Lorient dès le 21 juin 1940, l’émotion de l’adolescent est à son comble. Le discours qu’il a entendu percute de plein fouet l’envahisseur qui défile sous ses yeux. Agir s’impose dès lors à son esprit. Mais que faire à cet âge quand l’imaginaire bouscule souvent le réel ?
Fin Juin, l’amiral Doenitz arrive à Lorient dont il veut faire une base sous-marine. Un photographe, ami de Denis Dérout, Guy Bigot, est contraint de travailler presque exclusivement pour les Allemands. Il doit prendre des clichés de l’avancement des travaux et, par la suite, des départs et arrivées des U-boats (sous-marins allemands). Denis l’aide ainsi aux tirages des photos et lui sert éventuellement d’interprète auprès des Allemands. Un monsieur Babin se montre intéressé par ces travaux et Denis qui le soupçonne d’appartenir à la Résistance lui communique nombre de renseignements. Mais Monsieur Babin disparaît en 1942.
Les bombardements s’intensifient sur Lorient et le 7 janvier 1943 ; devant ce danger, le lycée Dupuy-de-Lôme où est inscrit Denis ainsi que le collège de jeunes filles sont transférés à Guémené-sur-Scorff.
C’est un Cours Complémentaire qui les accueille. Certains lycéens et leurs professeurs prennent leurs repas dans un restaurant. Quant à Denis Dérout, il est logé dans une maison à l’écart de Guéméné. Avec Francis Le Cunff, Denis partage avec ferveur l’idée d’agir dans la Résistance. Les deux lycéens décident de se mettre en contact avec les FTPF du Front National, l’un des satellites de la Résistance communiste, à ne pas confondre, aujourd’hui, avec le FN.
Denis doit notamment se présenter régulièrement à la poste de Guémené où l’une des guichetières lui remet des paquets de tracts. Mais son aspiration est de se mettre au service de la Résistance gaulliste et la volonté faisant souvent place à l’exaltation à cet âge, Denis et Francis quittent les FTPF pour agir dans le cadre du « Service National Maquis » dont Frenay responsable de « Combat zone Nord » est l’un des fondateurs dès 1942.
En effet cet enthousiasme des très jeunes décidés à résister à l’occupant les met non seulement en danger par leur inexpérience et leur manque de préparation mais peut aussi avoir un effet néfaste en attirant l’attention de l’occupant sur les réseaux de Résistance constitués. Ce qui motive donc la création du «Service National Maquis» dont Maurice Dervieux est responsable dans le Morbihan.
Après son retour de vacances à Tregunc où Denis a pris l’initiative de saboter une ligne téléphonique en brisant les isolateurs, il retrouve Francis Le Cunff. Ce dernier l’informe qu’un jeune instituteur de Guémené, Alphonse Tréhin, veut former un groupe de l’AS (Armée Secrète). Les deux jeunes gens n’hésitent pas et s’intègrent dans ce groupe de 21 membres réfractaires, jeunes gens, lycéens dont Denis Dérout va devenir un membre très actif sous le pseudonyme de « Daniel Darbois ».
Denis propose alors le recrutement d’Emile Mazé son professeur de mathématiques au lycée.
Emile Mazé va rapidement devenir le chef de cette structure. Mais les activités de ce groupe ne passent pas inaperçues et en ce temps où l’on doit se méfier de quiconque, ils sont dénoncés. Le 2 mai 1944 la gestapo arrête quatre de ses membres dont un élève du lycée, Francis Trebuil. Emile Mazé tient à les accompagner et au lieu de fuir se laisse arrêter.
In p 5/6 extrait du discours de la commémoration de la découverte du charnier de Port-Louis par Monsieur Jean-Yves le Drian Ministre de la Défense, le 23 mai 2015 à Port-Louis.
« En cet instant solennel, j’ai une pensée particulière pour Emile Mazé, professeur au lycée Dupuy- de-Lôme. Il avait constitué, avec plusieurs élèves, un groupe de résistants, le Service National Maquis, qui rassemblait des réfractaires du STO. Il s’est fait arrêter le 4 mai, suite à l’emprisonnement de quatre membres de son groupe, pensant les épargner en se faisant condamner à leur place. Pendant les quelques semaines de détention qui les ont rassemblés, il a rassuré les jeunes condamnés et leur a donné du courage. Grâce à lui, tous ont partagé jusqu’au bout l’espoir de retrouver leur famille et la liberté pour laquelle ils devaient finalement donner leur vie. »
Après avoir été atrocement torturés, les corps des quatre résistants et du professeur Mazé dont les membres sont encore entravés par du fil de fer barbelé sont découverts dans le charnier de Port-Louis avec soixante autres martyrs.
La barbarie des nazis, en Bretagne, est particulièrement violente en cette année 44. Le jeune adolescent Mathurin Henrio âgé de 14 ans qui s’enfuit dans le village de Baud près de Poulmein est abattu d’une balle dans le dos par les Allemands qui lui donnent ensuite le coup de grâce. Ce sera le plus jeune « Compagnon de la Libération » par décret du 20 novembre 1944.
La situation à Guémené est devenue trop dangereuse pour Denis Dérout et son groupe qui sont contraints de se réfugier dans la ferme éloignée du « Vénec » bordée de bois. Afin de ne pas compromettre la sécurité des paysans qui les ravitaillent, ils décident de ne pas coucher dans les granges qui leur sont offertes mais dans les bois où ils s’abriteront sous des huttes.
Heureusement, cette nuit du 5 juin 44, l’espoir va venir du ciel.
Rédigé par Louis-Charles Morillon.
Sources:
Entretien avec Monsieur Denis Dérout 7 Rue des Carolus à Poitiers.
Ses documents personnels communiqués aimablement à VRID.
Diaporama sur internet «Denis Dérout» d’après le blog de Guémené-sur-Scorff.
Discours de Monsieur Le Drian Ministre de la Défense le 23 mai 2015 à Port-Louis