Hommage à René Bibault
René Bibault, 96 ans, est décédé et un hommage lui a été rendu au nom de VRID par la voix de Louis-Charles Morillon le lundi 23 avril 2018, au crématorium de Poitiers.
« S’engager pour libérer la France » sera le thème de la journée de la commémoration de la Résistance le 27 mai prochain. « S’engager » telle a été, constamment, la vie de René Bibault, une longue vie.
Il a 19 ans lorsqu’en octobre 1940, à sa sortie de l’Ecole Normale de Poitiers, il est nommé instituteur à St Julien L’Ars où enseigne déjà Henri Huyard.Il décide de résister à l’occupant avec Henri Huyard et Monsieur Cohadier huissier à St julien L’Ars. Il entre en contact avec le réseau Renard et participe à différentes opérations comme la constitution de faux papiers d’identité. Joseph Riendenger professeur à St Stanislas et des membres du réseau Renard recueillent des aviateurs anglais dont l’avion s’est écrasé à Maillé et les cachent dans la Grand Rue à Poitiers. René Bibault et René Huyard leur procurent des faux papiers et les conduisent à Civray d’où les résistants locaux leur font passer la ligne de démarcation. Ils rejoindront ensuite Marseille, l’Espagne et l’Afrique du Nord.
En juillet 1943, René Bibault reçoit son ordre de départ pour le STO (Service Travail Obligatoire).Sa vie bascule alors. Au lieu de se rendre en Allemagne, il décide de rejoindre l’épouse de son frère prisonnier, elle-même réfugiée dans sa famille au Collet de Dèze en Lozère.
Des responsables locaux décèlent certainement sa profonde détermination, sa grande maturité malgré son jeune âge, et cette force tranquille qui a toujours impressionné et le dirigent dans une grange au lieu-dit « Le Crespin ».Il y forme un maquis où le rejoignent une vingtaine de réfractaires et 3 anciens Sarrois des brigades internationales. Mais en janvier 1944, suite à une dénonciation, il est contraint de déplacer son groupe. C’est la marche en pleine nuit à la boussole pour rejoindre Vialas. Le groupe est alors installé aux « Bouzèdes » dans une ferme forteresse dont les maquisards apprécient les bâtiments en bon état. Le ravitaillement est assuré par l’instituteur local René Evrard .C’est de cette ferme que René Bibault dirigera les actions les plus audacieuses.
La plus notable est celle de la prison de Nîmes. L’état-major FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français) de l’inter G décide de préparer l’évasion de 2 dirigeants de la résistance italienne internés dans la centrale de Nîmes. Ce sont les maquisards de René Bibault dit « Jean des Bouzèdes » qui opéreront avec un groupe MOI (Main D’œuvre Immigrée) commandé par Cristino Garcia. Le vendredi 4 février 1944 à 21h15 le groupe offensif pénètre dans la prison. Les deux autres équipes de René Bibault et les MOI se mettent en couverture. Les gardiens sont désarmés, le groupe guidé par un gardien délivre les patriotes auxquels se joignent de jeunes prisonniers de droit commun qui deviendront d’ailleurs de valeureux maquisards. Une fois refermée derrière eux, la lourde porte blindée, tous se hâtent alors à la sortie de Nîmes vers Alès où un camion doit les attendre. Mais le camion n’aura pu se rendre au rendez-vous. Aussi, marchant la nuit, se cachant le jour la petite troupe parcourt 130 km à travers bois et garrigues par un froid glacial. Le 10 février 1944 ils arrivent épuisés aux « Bouzèdes ». Ce véritable exploit sera écrit par Jean-Pierre Chabrol en 1958 dans son livre « un homme de trop » et porté à l’écran en 1967 par Costa-Gravas.
Mais cet exploit n’est qu’un exemple de ses hauts faits d’armes.
Pour assurer le ravitaillement et l’existence de son maquis, René Bibault est amené à effectuer des « coups de main », à la Grande Combe, à la gendarmerie de Vernarède, ou à Alès -même dans un magasin d’impression pour approvisionner roneos et machines à écrire.
De très nombreux sabotages sont organisés : à la petite mine d’antimoine du Collet de Dèze, à l’usine de charbon de bois près de Genolhac ou encore sur la voie ferrée Paris-Nîmes avec le déraillement du train de marchandises dans le tunnel de Prévenchères. Dans la nuit du 23 avril le transformateur de la Felgerette est détruit. Toutes ces actions mobilisent police, milice et gestapo et le 15 mai 1944, averti d’une attaque sur les Bouzèdes de l’armée allemande forte de 800 hommes le groupe se replie provisoirement dans la forêt de Bougès au-dessus du col de la Croix de Berthel avant de gagner la Lauze au-dessus du col de Dèze.
Dans l’euphorie du débarquement du 6 juin, René Bibault organise en plein jour une opération symbolique à la Grande Combe où il se fait remettre à la poste et à la perception de l’argent liquide contre reçu de la Résistance. Puis il se rend au magasin de la mine où il prélève du ravitaillement pour son groupe.
Plus tard il rejoindra Ollier dit commandant Ravel qui dirige les FTP (Francs-Tireurs et Partisans) de l’Ardèche. Ce dernier apprécie tout de suite sa valeur et l’affecte comme adjoint au commandant de la 7001 compagnie. Il participe à la bataille du Pouzin les 14, 15, 16 août 1944 et devient commandant du sous-secteur.
Engagé volontaire au 3ème bataillon de marche de l’Ardèche comme officier adjoint, il est capitaine à titre fictif, sera reconnu sous-lieutenant FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) pour ne finir qu’adjudant.
René Bibault faisait de l’humilité son quotidien et n’a jamais rien demandé pour lui-même. Aussi lorsqu’ un demi-siècle après ces évènements, la légion d’honneur lui fut enfin décernée, cet homme pétri des sentiments les plus nobles et animé d’une telle détermination la refusa au motif, je le cite, « qu’il préférait se trouver aux cotés de Marie Curie et de Jean-Paul Sartre qui l’avaient refusée plutôt qu’aux côtés de ceux qui l’avaient dévoyée. »
René Bibault nous a quittés mais, sans qu’il l’ait voulu, il appartient aujourd’hui à l’Histoire car il est sans conteste l’un des éléments qui ont forgé les symboles de la Résistance.
AU NOM du site historique internet Vienne Résistance Internement Déportation vrid-memorial.com qui m’a fait l’honneur de m’élire à la Vice-Présidence et donné le privilège de prononcer cet hommage, je présente à Jeanine son épouse, Claude sa fille, Michel son fils et toute sa famille mes très sincères condoléances.
Louis-Charles Morillon
Vice-Président de vrid-memorial.com
Vienne Résistance Internement Déportation