Concours de la Résistance et de la Déportation 2009 – Premier prix catégorie lycées département de la Vienne

A partir du documentaire suivant (documents 1 à 6) et de vos connaissances, vous rédigerez une réponse organisée au sujet suivant : Pour les Nazis, la figure de l’ennemi peut être celle d’un enfant ou d’un adolescent. Comment la connaissance de leurs conditions de vie dans le système concentrationnaire nazi, notamment transmise par le regard des rescapés, a-t-elle conduit à l’évolution du droit international ?

Sujet N° 2 : Etude d’un ensemble documentaire
Réponse organisée

Dans son ouvrage « La longue marche des droits de l’enfant » publié en 1999, Marie-José Chombart de Lauwe écrit : « il faut dire que la barbarie nazie, en provoquant le martyre de millions d’enfants, a secoué la conscience du monde ». En effet, pendant la période de la 2ème guerre mondiale, ce sont plusieurs millions d’enfants qui ont été victimes du système concentrationnaire nazi. La déportation, l’internement, l’extermination de ces enfants et adolescents s’est faite dans le cadre de la politique nazie de l’extermination raciale, dont ont été victimes des millions de juifs, tziganes, homosexuels, handicapés et slaves considérés comme « inférieurs » par les nazis, dans le cadre de la politique de répression des populations en rébellion contre l’occupant et dans le cadre de la germanisation des territoires de l’Est. Nous nous demanderons comment la connaissance de leurs conditions de vie dans le système concentrationnaire a-t-elle conduit à l’évolution du droit international.
Le système concentrationnaire nazi en général dépasse largement le cadre des camps de concentration et des centres de mise à mort. Il s’agit en fait d’une vaste organisation mise en place pour encadrer la politique d’élimination des personnes jugées « indésirables » dans l’idéal de société nazi. A la base de ce vaste procédé se trouve le camp d’internement à l’ouest (Drancy en France) et le ghetto à l’est (Horrochow, Varsovie en Pologne, Terenzin, camp-ghetto en Tchécoslovaquie).
L’ouvrage « Les enfants martyrs, le martyr des enfants Polonais » fait également état d’un camp spécialement destiné aux enfants Polonais à Lodz, construit dans le cadre de la politique de germanisation des territoires de l’Est. Ces camps et ghettos sont la première étape avant la déportation vers les camps de concentration, où les nazis déportent les prisonniers politiques, les résistants et les opposants au régime, ou vers les centres d’extermination, situés dans l’est de l’Europe et dont la vocation est, ou bien par le gaz ou par le travail, d’exterminer des masses entières d’êtres humains. Dans sa thèse de doctorat, André Rosenberg rapporte les propos d’Heinrich Himmler, chef de la S.S. qui justifiait la présence d’enfants et d’adolescents dans les centres d’extermination en disant : « Je ne me crois pas autorisé à exterminer des hommes si je laisse grandir leurs enfants qui se vengeront sur nos petits enfants […] ce peuple [ les juifs] doit disparaître de la surface de la terre ». Les services de sécurité du Reich justifiant eux la mise en place du camp pour enfants de Lodz en rendant compte du « laisser aller » des jeunes Polonais ; jeunes Polonais pour la plupart livrés à eux même car dans ce rapport de la RSHA, l’auteur mentionne le fait que ces enfants et adolescents polonais ne vont plus à l’école, les autorités d’occupation les ayant faites fermer, et que les adultes supposés s’occuper des enfants ne peuvent pas s’acquitter de cette tâche.
Les conditions de vie dans le système concentrationnaire nazi étaient particulièrement difficiles, ce qui rendait la survie très aléatoire quand il ne s’agissait pas des enfants et adolescents exterminés pour des raisons raciales. Félicia Combaud, internée à l’age de 15 ans à Drancy parce que juive, témoigne de « la nourriture abjecte, des détenus dormant sur de la paille et de l’absence d’hygiène ». Un autre témoignage, celui de Renée Moreau, résidente de Châtellerault, déportée à Ravensbrück pour faits de résistance, nous apprend que les adolescents n’étaient pas épargnés. Renée Moreau témoigne en effet qu’à Ravensbrück, elle y a vu une adolescente de 14 ans vivre dans les mêmes conditions, même nourriture, obligation d’être présent à l’appel du matin, et soumise aux mêmes travaux forcés. Un autre témoignage, celui de Marcel Petit, déporté pour faits de résistance à 15 ans et demi, nous apprend que lui-même devait casser des cailloux dans une carrière toute la journée.
Les enfants et les adolescents sont également parfois livrés aux médecins nazis ; Marie-José Chombart de Lauwe témoigne en effet à la stérilisation de 120 petites filles tziganes âgées de 8 à 11 ans (doc 2) et au massacre de jeunes nouveaux-nés dans le camp de Ravensbrück. Et même quand ces massacres cessèrent, Marie-José Chombart de Lauwe témoigne de l’impossibilité des nourrissons à dépasser l’ âge de 3 mois à cause du manque de nourriture. Un autre témoignage, extrait de l’ouvrage « J’ai donné la vie à Ravensbrück », témoigne du fait que, malgré la décision de laisser les nouveaux-nés en vie, rien n’était fait pour leur prise en charge. « Pas de soins pour l’accouchée », « Les nuits étaient glaciales, de -10 à – 15 degrés, le froid continuait ce que la faim avait commencé ». Au total, pour le camp de Ravensbrück, ce sont 560 nouveaux-nés qui ont trouvé la mort d’après le livre des naissances du camp *.
Les traitements que les enfants et les adolescents ont subis dans les camps, c’est-à-dire l’extermination d’enfants juifs, des enfants tziganes, des enfants handicapés et d’enfants slaves, la réduction en esclavage des adolescents, les expérimentations barbares, telles que la stérilisation, ont interpellé durablement les nouvelles générations. En 1946, l’assemblée générale des Nations Unies crée l’UNICEF, le fond des Nations Unies pour l’enfance ; en 1959, celles-ci adoptent à l’unanimité (en 1959, 79 états membres) une déclaration des droits de l’enfant qui garantit à l’enfant le droit à la sécurité, aux soins et à l’éducation. En 1979, les Nations Unies établissent une journée mondiale de l’enfant pour rappeler aux états membres les engagements pris vis-à-vis des enfants. Enfin, en 1989, les Nations Unies adoptent la première convention des droits de l’enfant, réaffirmant les principes de la déclaration des droits de l’enfant de 1959, et y contraignent les états signataires à respecter ces droits.

* La survie dans les conditions de vie des camps était très aléatoire, voire impossible pour les enfants et les adolescents en pleins changements physiques. Elle a cependant pu avoir lieu, souvent grâce à la solidarité d’autres détenus. Ainsi dans son témoignage, Renée Moreau et ses amies, par leur solidarité, ont pu sauver une jeune adolescente de 14 ans qu’elles côtoyaient. Un autre témoignage, celui d’Eva Titchauer, déportée juive à Auschwitz, chargée de l’infirmerie du camp. Celle-ci, afin de sauver des enfants, fit de faux diagnostics médicaux afin d’évacuer les enfants du camp. Mais pour ceux qui ont pu survivre, le retour à la vie normale s’est fait difficilement. Pour des enfants qui avaient oublié les règles d’hygiène, il fallait tout réapprendre. De nombreux enfants se sont retrouvés orphelins après cette expérience des camps et certains, comme Félicia Combaud ont même dû s’occuper de leurs frères et sœurs moins âgés.

Sofiane CORREA DE SA
Lycée privé « Les Feuillants » – Poitiers