La « Manu » de Châtellerault libérée au début de septembre 1944
Officiellement libérée le 6 septembre 1944, la manufacture reprend la fabrication d’armes françaises pour défendre les poches de l’Atlantique.
À la fin de l’été 1944, la Manu est particulièrement exposée aux violences de l’ennemi en déroute dont les convois déferlent dans le secteur de Châtellerault. Le 30 août plusieurs explosions endommagent des infrastructures dont les turbines du barrage. Toutefois, selon le sous-préfet, Marcel Wiltzer, les dégâts sont partiels et le pire a été évité. Les Occupants quittent l’établissement le 1er septembre, mais les groupes des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) formés au sein de l’établissement demeurent vigilants, informés du passage d’un dernier convoi allemand dans la nuit du 2 au 3 septembre. Le sous-préfet vient de négocier longuement le sauvetage du pont Henri IV dans la nuit qui précède et les FFI ont reçu l’ordre de ne pas s’attaquer à l’ennemi pour protéger la ville de représailles. Le convoi est finalement stoppé sur les bords de la Creuse.
La libération de la Manu est officiellement fêtée le 7 septembre 1944 en présence du colonel Chêne, alias Bernard, responsable des FFI de la Vienne, et d’une foule innombrable de Châtelleraudais. Le directeur, Lucien Vergnaud, est arrêté par les FFI le 8 septembre tandis que le directeur adjoint, le colonel Brisorgueil est nommé à la tête de l’établissement, bénéficiant de la confiance des mouvements de résistance. Il est assisté d’un comité d’usine composé de 32 membres issus des divers corps professionnels, de l’ingénieur au veilleur. Ce dernier désigne les sept membres du comité d’épuration placé sous le contrôle de la commission du ministère de la Production industrielle et chargé de diligenter les enquêtes à l’encontre de ceux qui ont mené une collaboration active. Le premier concerné est l’ancien directeur dont le dossier à charge est transmis à la Cour de Justice de Poitiers. Son procès se déroule du 19 au 28 décembre 1944, le condamnant à 15 ans de prison, à l’indignité nationale à vie et à la révocation sans pension. En réalité, Lucien Vergnaud est incarcéré quatre ans et sa peine est amnistiée en 1953. L’épuration est demeurée limitée au sein du personnel de la manufacture et la plupart des 50 agents suspendus ont été réintégrés en 1946.
Au lendemain de la libération, l’activité d’industrie de guerre ne faiblit pas pour autant et la Manu reprend la fabrication du fusil mitrailleur français 24-29 pour armer les combattants des poches de l’Atlantique dont plusieurs membres des maquis châtelleraudais. C’est après la libération totale de la France le 8 mai 1945 que se pose la question de la reconversion vers des productions civiles.
Marie-Claude Albert