La « Manu » un foyer de résistance précoce. 1940-1944
Dès octobre 1940, une quarantaine d’ouvriers refusent l’occupation et la collaboration et forment l’un des premiers embryons de la résistance locale.
La Manu, un foyer de résistance précoce
Dès octobre 1940, une quarantaine d’ouvriers refusent l’occupation et la collaboration et forment l’un des premiers embryons de la résistance locale.
Au sein de cette résistance pionnière, de jeunes femmes ont joué un rôle essentiel comme l’affirme Renée Moreau, l’une des dernières à pouvoir témoigner. Au nom de leur idéal patriotique et antinazi, elles mènent une résistance active, confectionnant des tracts et les glissant dans les boîtes à outils avec la presse clandestine dont Le Manuchard libre ; elles sortent même des armes. Elles contribuent à la création de l’Organisation spéciale affiliée en février 1941 au mouvement des Francs-Tireurs et Partisans (FTP), collectent des vivres et des fonds pour leurs camarades résistants et pour les familles d’internés et de fusillés. Certaines exercent des responsabilités importantes comme Léone Baugé-Jamain, chef du sixième groupe des FTP-secteur sud, et Eliane Devergne alias Lily, agent de renseignement et de liaison avec la région parisienne. La résistance de ces ouvrières prend aussi la forme d’actions individuelles : simulation d’accidents du travail ou enregistrement de malfaçons lors du contrôle des pièces pour ralentir la production. Elles participent à des actions collectives de grande ampleur comme la manifestation du 26 novembre 1942 contre le travail forcé en Allemagne. Un hommage municipal à cette résistance collective s’est concrétisé le 8 mai 2012 en dédiant une place aux Résistantes et Résistants de la manufacture aux abords du Musée.
Il existe différents mouvements au sein de la manufacture doublés de réseaux liés à Londres tel que le réseau Marie-Odile. Les résistants appartiennent à divers courants et à diverses catégories professionnelles, y compris à l’encadrement comme l’ingénieur Lucien Najac, chargé d’organiser un groupe « Libé-Nord » en juin 1943.
À côté de cette résistance organisée, les actes rebelles augmentent : les arrêts de travail improvisés notamment le 11 novembre, l’absentéisme ou l’accident de travail simulé, le freinage voire les sabotages de la production. Si ces derniers sont infimes au regard des milliers de pièces produites pour l’Allemagne, ils ont existé, particulièrement à l’atelier 39 qui fabrique des pièces du canon allemand anti-aérien de 77 : pannes de machines, allongement des temps sur les devis, vol de combustible et de matériel, injection d’acide dans les caisses d’emballage… Les services allemands envisagent même de murer les ouvertures pour protéger les installations ; ils vont surtout développer la délation et la répression.
Marie-Claude Albert