Le camp de Neuville de Poitou dans la Vienne, un camp exhumé de l’oubli
Après la débâcle de 1940, l’armée allemande regroupa dans des frontstalags, camps spéciaux en France, les soldats africains ayant servi dans l’armée française. Ils étaient gardés par des unités spéciales : les landesschützen-bataillone.
C’est ainsi que fut créé dès 1940 le camp de Neuville de Poitou, non répertorié cependant, dans la liste des frontstalags. Ce camp accueillit d’après monsieur Jacques Defiolle plusieurs dizaines de soldats africains issus des DIA ( divisions d’infanterie africaine fortes à l’époque de plusieurs milliers d’hommes). Ces prisonniers africains étaient logés dans des baraques semi cylindriques en fer sur un soubassement en briques. Le terrain entouré de fils de fer barbelés appartenait à la famille Broquereau et est aujourd’hui occupé par la caserne des pompiers et la gendarmerie de Neuville. D’après monsieur Marcel Pellegrin, âgé de 12 ans à l’époque, les soldats qui les gardaient étaient logés dans l’enceinte du camp.
Le commandement allemand affecta généralement les prisonniers à des tâches communales et agricoles mais à Neuville ils étaient essentiellement destinés aux travaux agricoles dans les fermes. La ferme de monsieur Pellegrin employa une dizaine de ces prisonniers au sarclage des plantes potagères. Une sentinelle allemande les accompagnait le matin. A la pause ils déjeunaient à la ferme mais les fermiers leur donnaient quelques victuailles pour leur repas du soir. A la fin de la journée la sentinelle venait les chercher. Ils étaient regroupés et la troupe sous bonne garde regagnait le camp.
L’un de ces retours prit cependant un tour tragique. Le sergent Bangoura Moridé s’écarta de la file qu’il devait conserver et l’un des gardes suspectant un mouvement d’évasion l’abattit immédiatement dans la rue qui porte désormais son nom.
Que sont devenus ces prisonniers dans le tumulte de la libération ? Nombreux sont ceux qui ont rejoint l’Afrique, certains ont été abattus en cherchant à s’enfuir. Un seul est resté à Neuville où il a fondé un foyer : Mustapha le « vendeur de cacahuètes ».
Mais ce camp n’abrita pas que des soldats des DIA. Madame Fernandez épouse de monsieur Brin et son frère monsieur André Fernandez nous apportent un autre témoignage.
Leur père, monsieur Trinidad Fernandez, quitta en 1936 l’Espagne pour fuir le franquisme. Après avoir séjourné à Perpignan, Montpellier, Carcassonne. Il fut finalement arrêté en Gironde à Cenon, le 10 décembre 1940, par la police française comme indésirable. Ainsi étaient nommés les étrangers espagnols et tziganes par les lois de Vichy.
Toute la famille y compris le jeune André Fernandez âgé de 12 ans et son jeune frère Toulio fut regroupée au camp de Mérignac pour ensuite être acheminée au camp de la route de Limoges à Poitiers. Monsieur Trinidad Fernandez fut incarcéré par la suite à Compiègne jusqu’au 10 août 1944. Il fut alors dirigé à nouveau vers Poitiers et conduit au camp de Neuville avec une dizaine d’autres Espagnols dont monsieur Antonio Cabarre.
Ces détenus étaient conduits par camions, par les gardes allemands, du camp de Neuville à la carrière de Migné les Lourdines où ils étaient contraints de travailler pour l’occupant. Labeur qu’ils tentaient de rendre moins pénible en faisant dérailler les wagonnets à l’insu des gardes allemands.
Monsieur André Fernandez fut libéré, lui, le 31 août 1944 du camp de Montreuil Bellay dont il est aujourd’hui un témoin actif. (Reportage de la chaîne de télévision LCP). Il réside aujourd’hui 62 route de Vouillé à Neuville de Poitou.
Monsieur Trinidad Fernandez repose au cimetière de Neuville de Poitou ainsi que Toulio Fernandez et monsieur Antonio Cabarre.
Il était important de sortir ce camp de Neuville de Poitou de l’oubli afin qu’il fût, quoique de moindre importance, répertorié, avec les autres camps de la Vienne.
Enquête de Louis-Charles Morillon, septembre 2012
SOURCES :
Internet : notes sur les Frontstalags
Témoignages de :
Madame Brin (maison de retraite de Neuville)
Madame Fernandez épouse Brin résidant à Neuville.
Monsieur André Fernandez .
Monsieur Jacques Defiolle résidant à Neuville.
Monsieur Marcel Pellegrin résidant à Neuville.
Madame Mireille Dubroca résidant à Poitiers.
Émission chaîne parlementaire LCP camp de Montreuil Bellay