Marcelle Stolz, résistante, déportée à Ravensbrück – témoignage
Marcelle STOLZ et sa mère, résistantes dans les Vosges, sont arrêtées le 9 août 1944 à Senones. Elles vont connaître prisons et camps de concentration jusqu’à leur libération en 1945.
Témoignage de Marcelle STOLZ, résistante, déportée à Ravensbrück à 18 ans.
En août 1944, Marcelle STOLZ, dont le père est décédé, vit avec sa mère et son frère dans le petit village de Senones dans les Vosges. Le 9 août 1944, les « colliers de chiens », nom qu’elle donne aux « S.S. », ont envahi le village et pénètrent dans leur maison après qu’elles ont été dénoncées. Elles ont en effet apporté des aides à la résistance locale : hébergement d’un responsable, procuration de fausses cartes de ravitaillement, fourniture de nourriture et entretien du linge des maquisards en parcourant les environs en vélo, etc… Après avoir ordonné aux deux femmes de s’habiller, il est cinq heures du matin, les « S.S. » les emmènent pour un interrogatoire, mais l’absence durera onze mois en prisons et en camps de concentration.
Détention dans les prisons :
Marcelle et sa mère sont d’abord emprisonnées à Epinal où elles subissent les violences de la « Gestapo » qui veut les faire parler. Après avoir été confrontées à celui qui les a dénoncées, Marcelle est envoyée dans la cellule des condamnés à mort d’où fréquemment le matin elle entend le bruit des fusillades des victimes. Il faisait très chaud dans cette cellule au mois d’août où on était en plus « bouffées par les puces ». La cuvette d’eau passée chaque matin est destinée à tous pour se « laver sans savon ni aucun produit ». Dans sa solitude, Marcelle inscrit ses pensées sur les murs, mais quand elle revient sur les lieux après la libération, il n’y a plus de traces des détenus, tout a été effacé par les nazis et les murs blanchis à la chaux.
De la prison d’Epinal, elles sont transférées à la prison Charles IV à Nancy où les Allemands regroupaient les déportées avant de les embarquer dans des wagons plombés acheminés par trains complets vers Sarrebrück. Elles restent huit jours dans ce petit camp d’hommes où les femmes ne font que passer. Elles en conservent des souvenirs affreux, tel le comportement des gardiens qui, lorsqu’ils distribuaient de la soupe, posaient la louche à terre et obligeaient les détenues à lécher le sol ou, lorsqu’ils n’avaient pas d’occupation, se distrayaient en plongeant les prisonniers dans une grande piscine jusqu’à ce qu’ils se noient et tapaient avec les crosses des fusils sur les mains de ceux qui essayaient de s’agripper.
Le camp de concentration et le travail dans le froid :
De Sarrebrück, Marcelle et sa mère sont envoyées à Ravensbrück, important camp de concentration de femmes. Ses souvenirs sont intacts et son émotion aujourd’hui toujours aussi intense lorsqu’elle raconte la première impression ressentie lors de l’arrivée au camp : sur quelle planète étions nous ?…des prisonniers squelettiques avec des yeux hagards qui sortaient du visage et cette odeur de viande grillée qui nous envahissait. Dès l’arrivée, nous étions triées par un surveillant rond et gras comme un cochon, vêtu d’un grand manteau de cuir ; il nous scrutait les yeux et les dents : « toi par là », « toi par là ». Ma mère et moi avons eu la chance de rester ensemble.
En octobre on nous envoie travailler à l’usine « Ludwichfeld » où des femmes participent au montage de moteurs d’avions. Le bâtiment avait été mitraillé et la toiture endommagée, il y faisait moins vingt degrés ; nous étions nourries avec une louche de soupe, une tranche de pain et une rondelle de saucisson une fois par jour.
Approche de la libération :
Marcelle(x) et sa mère(xx) à leur libération (Le Journal de la France)
Les mois ont passé ainsi ; alors que la France venait d’être libérée, nous vivions nous toujours dans ce cauchemar. Comme les troupes soviétiques avançaient, les Allemands décident de diriger les déportés vers le camp de Sachsenhausen-Oranienburg : une longue marche de 250 kilomètres à pied avec les hommes valides devant et les femmes qui suivaient. Nous tournions en rond, ceux qui tombaient à terre recevaient une balle dans la tête ou étaient grillés au lance-flamme. A la mi-avril, nous sommes arrivés près de Berlin où nous sommes libérés par les Mongols qui nous donnent du pain avec de la confiture, nourriture qui conservera toujours pour moi une saveur particulière. Couchées sur la paille comme des animaux, nous n’avions plus la force de nous lever… Après avoir passé quelque jours sous la protection des Américains, nous sommes enfin acheminés vers la France en passant par la Hollande et la Belgique. Très affaiblies, Marcelle et sa mère pesaient moins de trente cinq kilos lorsqu’elles retrouvèrent leur village de Senones dit le « village des larmes », parce que de nombreux habitants avaient été victimes de l’occupation ou de la déportation. Etant méconnaissables, n’ayant plus que la peau sur les os, on nous donnait peu de temps à vivre ajoute Marcelle et quand nous racontions nos conditions de détention, celles-ci paraissaient inimaginables à nos compatriotes.
Pour Marcelle STOLZ, se remémorer ces souvenirs est pénible et plus de soixante ans après, ses yeux s’emplissent de larmes à leur évocation.
Merci pour ce témoignage sincère et émouvant et rejoignons Marcelle dans sa conclusion : « Plus jamais ça ».
Témoignage de Marcelle STOLZ à son domicile à Civray le 5 octobre 2007 malgré son état de santé et sa peine à parler de cette période de sa jeune existence. Marcelle est titulaire de la Croix de Guerre et de la Médaille Militaire et a été faite Chevalier de la Légion d’Honneur en 1973.
Témoignage recueilli et rédigé par Jacques RIGAUD.