Radio Londres
Le plasticien suisse Christian-Robert Tissot a créé pour les Poitevins des « messages personnels » qui intriguent le passant. Ainsi la place Radio Londres a-t-elle remplacé l’appellation « La Croix » rue du Faubourg du Pont Neuf à Poitiers.
Que l’authenticité des messages reste à vérifier n’enlève rien à la mémoire des Français qui écoutaient clandestinement l’émission « les Français parlent aux Français » diffusée de Londres par la BBC, pendant la deuxième guerre mondiale.
Si, dès le 18 juin 1940, Radio Londres a pour objectif de légitimer la position du général de Gaulle, elle devient très vite un organe d’informations s’opposant à la propagande de l’occupant. Sous l’impulsion de Jean Marin et Pierre Bourdan, leur nom de guerre, l’émission s’organise. Jacques Duchesne en prend par la suite la direction. Les arrivées de Franck Bauer, Pierre Dac, André diamant–Berger qui deviendra André Gallois font de cette émission une telle machine de guerre que les Allemands s’en inquiètent.
Ils tentent en vain de brouiller les fréquences des ondes et promulguent des lois interdisant l’écoute de Radio Londres .
La Radiodiffusion Nationale de Vichy ironise alors envers les Français libres réfugiés en Angleterre .
Mais le succès de l’émission les « Français parlent aux Français » et de sa petite musique « Radio Paris ment, radio Paris ment, Radio Paris est allemand » va grandissant .
Vichy et l’occupant tentent des coupures de courant aux heures de grande écoute le soir. Mais cette initiative est gênante pour leurs propres émissions . Ils promulguent alors une loi confisquant les postes de TSF et interdisent la vente des pièces de rechange notamment les lampes. Certains alors bricolent des « postes à galène » pour continuer à capter Radio Londres.
Londres va alors passer de l’information à la transmission d’ordres codés, les fameux « messages personnels » pour organiser la résistance intérieure. Le plus connu étant : « Les sanglots longs des violons de l’automne… » tiré d’un poème de Verlaine. Il est destiné au réseau « Ventriloquist » (ventriloque) qui doit déclencher le sabotage des voies ferrées situées en arrière des côtes bretonnes et normandes avant le débarquement .
Pour en arriver là, il a fallu programmer une chaîne de services.
Le SOE, Special opérations executive (Direction des opérations spéciales), est créé dès le 22 juillet 1940 par Winston Churchill. Ce service du renseignement a pour but d’organiser la résistance en pays occupés. Ses implications sont multiples. Georges Bégué, officier français est délégué au SOE. C’est lui qui a l’idée de réaliser la liaison avec les réseaux de la résistance en France par les « messages personnels ».
Parallèlement le BCRA (Bureau central de renseignements et d’action), service du renseignement français sous la houlette de Passy, Manuel ou Brossolette exerce son influence sur les services britanniques. Leur action conjuguée, qui ne se fait cependant pas sans heurts, permet d’envoyer 1800 agents en France. Ils transitent dans les fameux Lysanders, avions spécialement conçus pour atterrir sur des terrains de fortune, ou encore sont parachutés sur des zones plus difficilement accessibles. Les messages personnels avertissent les résistants de ces parachutages.
Ces services, par Radio Londres, permettent également d’obtenir des renseignements sur les forces ennemies en territoire occupé, leurs intentions, leurs mouvements.
Ils tentent d’organiser la résistance (ce qui entraîne parfois des réticences au sein même des différents réseaux de la résistance intérieure).
Ils prévoient les parachutages d’armes et de munitions.
Ils organisent les sabotages et en 1944 parachutent notamment dans la Vienne les SAS (special air service).
Des terrains sont recherchés, transmis au SOE qui les homologue et leur donne un nom de code « coconut », ou« bonbon ». Ces terrains sont en général faciles à repérer par les pilotes, éloignés des agglomérations et surtout entourés de bois pouvant cacher les containers.
« Un parachutage eut lieu à Tenaigre dans la nuit du 12 au 13 février 1943 par le réseau de Lise de Baissac pour le réseau Denis et l’OCM. Le message envoyé par la radio pour avertir ceux qui le réceptionnaient est : Nous irons boire ce soir un verre chez nos amis.
Un seul avion largue 6 containers. Sont présents le docteur Ducos, Marcel Goux, minotier, Barrat garagiste, Boisseau contremaître du garage et Paul Grangeneuve.
Dans la nuit du 10 au 11 juillet 1943 le groupe de Savigny réceptionne un parachutage annoncé par le message « Nous irons boire ce soir chez l’ami Fernand » Remplacé plus tard par « la nuit porte conseil. »
Ce parachutage comportait 5 ou 7 containers contenant des mitraillettes STEN , des revolvers du matériel, des cigarettes, et des accessoires. Les armes ont été cachées au Grand Souby. »
In p 61 « Savigny-l’Evescault sous l’Occupation » de Geneviève BOUHET et Anne VENISSE.
Nombreux sont les autres messages personnels.
La liste des parachutages, aimablement communiquée par M. Christian Richard, n’est pas exhaustive. Elle témoigne néanmoins des activités très marquées dans la Vienne dès 1943 et de l’efficacité de Radio-Londres.
Rédigé par Louis-Charles Morillon
Sources des messages personnels :
« Les valeurs sont en baisse » parachutage AS Armée Secrète nuit du 4 au 5 juin1944 bordure nord forêt de Mareuil, Chauvigny in p 171 « 1939-1945 : la guerre aérienne dans la Vienne » de Christian Richard. Geste Editions réédition poche 2009.
« André roule sa bosse » parachutage BCRA nuit du 12 février 1944 Champagné St Hilaire. in p 106 Christian Richard, Raymond et Léo-Guy Guichard, père et fils, une famille chauvinoise dans la deuxième guerre mondiale, « Le pays chauvinois » bulletin N° 41, 2003 soc rech arch de Chauvigny.
« Géo André est en forme » parachutage BCRA nuit du 9 au 10 août 1944 Champagné St Hilaire in p 108 même source.
De Roger Picard et Gaston Racault « La Vienne dans la seconde guerre mondiale II l’occupation les réseaux » dossier CRDP
« Michel ira dans le pommier ce soir » parachutage SOE réseau Scientist nuit du 13 au 14 février 1943 à St Léger La Pallu. in p 327.
« Le voile déchire la voile avec ses dents » Atterrissage pick up de deux lysanders à Aslonne (dit de Marnay) nuit du 17 au 18 mars1943. in p 327.
« Les pommes de terre sont nourrissantes » parachutage attendu vainement nuit du 13 au 14 juillet 1943 à Bourg-Archambault largué par erreur au-dessus de l’école de Pindray in p 357.
« J’ai cassé trois montres » parachutage AS nuit du 14 au 15 juillet 1943 à Rillé (Haims) in p 357.
« Tiens voilà du boudin ». Arrivée à Haims, La Nocelière, terrain coconut de trois lysanders pour atterrissage « pick up », nuit du 11 au 12 novembre 1943, un seul s’est posé à cause du terrain détrempé in p 357 ( détails de l’ opération « la guerre aérienne dans la Vienne Christian Richard, in p 110 à 138)
« A bon chat, bon rat » . Parachutage à Quinçay le 7 juillet 1943 pour l’OCM.in p 361.
« Les dieux ont soif » message attendu par les résistants civraisiens pour leur premier parachutage de containers réceptionné près des bois de Bernessac à Charroux le 9 juillet 1943.
Source Jacques Rigaud ancien de « Résistance-fer » sa note du 06 /02 /2014.