Un élève gendarme maquisard dans le Jura
Article de Louis-Charles Debelle paru dans le Libre Poitou du 15 & 16 octobbre 1944.
Récit des aventures d’André Houisse.
Ex-élève gendarme, maquisard dans le Jura, un Poitevin nous conte quelques aventures.
Depuis quelques mois, j’avais perdu de vue un camarade : je viens de le retrouver, étendu sur son lit le pied droit dans un pansement et dans ce pied, dans la jambe, et dans la main gauche, les derniers éclats d’une balle explosive allemande. Il arrivait en ligne droite d’un hôpital du Jura, région où il participa aux opérations du maquis. II m’a raconté quelques-unes de ses aventures. J’ai pensé, que j’en pouvais transcrire une partie, non pas dans le but de glorifier quelques faits parmi tant d’autres, mais parce que chaque Province, vit un
peu en vase clos : qui vit à Poitiers ignore ce qui se passe dans le département voisin, à plus forte raison à l’autre bout de la France ; il est de ce fait intéressant d’avoir des détails sur des opérations… lointaines.
Après avoir été requis à l’Ile de Ré, puis refoulé de l’Ile, repris à la Rochelle, puis réfractaire pour partir « nach Deutchland », André Houisse se trouva un beau jour convoqué pour entrer dans la gendarmerie. Une convocation qui tombait à pic — il ne comptait plus depuis longtemps sur une demande qu’il avait faîte lorsque les occupants avaient licencié l’armée. Gendarme, c’était un excellent paravent. Il fut gendarme et désigné pour l’Ecole de Brive. Il n’y était pas arrivé depuis quelques semaines que les Allemands, trouvant que la Corrèze se remuait trop pour qu’on puisse y tolérer une école militaire, décidaient, sous le couvert de Vichy, le transfert de l’école à Bellac. A peine dans cette ville, le colonel de l’Ecole entrait en relation avec les chefs de l’A. S… Du coup l’école fut fermée et les gendarmes dispersés.
Après de multiples tribulations, André Houisse se retrouva à Dole et affecté avec cinq autres élèves gendarmes à la garde du canal du Rhône au Rhin, ou plutôt de son emplacement, car il n’y avait plus d’eau dans le canal. C’est là qu’une nuit ils reçurent la visite de maquisards qui leur demandèrent leurs armes. Gardant un mousqueton pour les sentinelles – mousqueton qu’elles se passaient à tour de rôle lorsque les Allemands patrouillaient dans le secteur – les gendarmes abandonnèrent les autres. Quelques nuits plus tard, c’est eux-mêmes qui s’évanouissaient dans la nature.
La campagne de harcèlement menée par les F.F.I. dans le Jura fut particulièrement rude. Du 7 juillet au 5 août, sans arrêt les accrochages se succèdent. Lorsque le débarquement se produit sur le rivage méditerranéen, les maquis descendent sur Laon-le-Saulnier et la frontière suisse pour couper la route aux colonnes allemandes en retraite accélérée. Un peu plus tard c’est la liaison avec l’armée Delattre de Tassigny puis avec les Américains qui ont à ce moment 25 jours d’avance sur leur horaire ! …
Le 6 septembre, les F.F.I qui, maintenant, remontent vers le Nord à travers une campagne dans laquelle les boches ont, en fuyant, multiplié les destructions, arrivent devant Dôle. Pour prendre la ville, il est nécessaire de la contourner et de franchir le Doubs quelques kilomètres à l’extérieur de la ville. Envoyé
en reconnaissance avec 3 soldats, notre interlocuteur d’aujourd’hui, doit franchir la rivière à la nage pour décrocher des barques devant permettre au gros des forces de passer. Malheureusement, alors que la patrouille est déjà sur l’autre rive, une sentinelle la repère. Elle tire. Un soldat est tué. Une mitrailleuse
tire à son tour. Une balle explose dans le casque que Houisse tient à la main, une seconde entre ses jambes. Il tombe. La reconnaissance est manquée mais l’opération se trouve du coup déclenchée. Deux jours plus
tard Dôle tombera.
Nous avons appris combien d’anecdotes sur la vie dans le maquis et sur la lutte contre l’Allemand. Ainsi comment, ayant tendu un traquenard aux F.F.I., une troupe allemande de S.S. se trouve prise à son propre piège et dut se réfugier dans un moulin dont le siège fut entrepris, qui se termina par l’incendie de la place, dont les S.S. refusèrent de sortir, tirant eux-mêmes sur ceux d’entre eux qui voulaient se rendre.
Tous furent brûlés.
Comment aussi, au fort de Rousse, les Allemands encerclés, se firent un bouclier vivant des civils qu’ils réunirent autour d’eux sous la contrainte de leurs armes, pour franchir les lignes tenues par les FFI qui la rage au cœur, ne purent tirer, dans l’obligation qu’ils auraient été de tuer d’abord les Français, avant d’atteindre l’ennemi.
Partout celui-ci multiplia les massacres. Houisse, qui a vu Oradour raconte qu’en de multiples village du Jura, les Boches se sont rendus coupables de semblables horreurs, violant puis tuant les femmes, crucifiant les enfants !.».
Il nous dit aussi la formidable impression produite par l’armement et le matériel américains, dont la puissance stupéfie.
Il nous parle de l’anéantissement de la Milice de Limoges qui fut mené par un groupe du maquis près de Dôle.
Mais nous ne saurions tout conter. Nous voulions simplement souligner que partout, à l’Est comme à l’Ouest, l’action des F.F.I. avait été primordiale et que la valeur militaire de ces groupes n’était plus à démontrer. Déjà, d’ailleurs, ceux du Jura après avoir été rééquipés ont été dirigés vers le front de l’Est, où
ils continuent à récolter une moisson de gloire.
L. Ch. DEBELLE.
Article paru dans « Le Libre Poitou » du 15 et 16 octobre 1944
André Houisse souhaite apporter des précisions sur les événements consécutifs à son arrêt dans les FFI suite à sa blessure de guerre : « Blessé le 6 sept. 1944, sur les bords du Doubs, au lieu dit « La Ferme des Iles », soigné par la famille occupant la dite ferme et le médecin de famille. Suite à la libération de la ville de Dôle, hospitalisé « Clinique du Docteur Matrieu » puis à l’Hôpital (photo n° 2), séjour jusqu’au 9 oct. Sur ma demande je rejoins Lons-le-Saunier où je me fais démobiliser avec une permission de convalescence de 2 mois et arrive à Poitiers 4 jours après ayant utilisé différents moyens de transport.
Visite du journaliste le 14 oct.
Hospitalisé à l’Hôtel-Dieu de Poitiers en décembre 1944 puis convalescence jusqu’en janvier 1945. Je reprends mon service dans la Gendarmerie, brigade d’Angoulème. Hospitalisé pour la 3ème fois en mai 1945.
Invalide de Guerre à 55% et grâce à la Baraka !!! toujours là. «